9 janvier 2019

Le jeûne intermittent

Cette chronique a d'abord été livrée à l'émission Les Fêtes et rien d'autres du samedi 5 janvier 2019.

Les Fêtes sont terminées et vous n’êtes plus capables de voir, de parler ou même d’ingurgiter de la bouffe? Ça tombe bien, voici un résumé de ma propre expérience avec un régime de vie de plus en plus populaire, le jeûne intermittent.

Je ne suis ni docteur ni spécialiste et ce que je vais décrire n'est rien d'autre que mon expérience personnelle. Je vous conseille d’en parler à votre médecin ou un spécialiste avant d’entreprendre un tel régime de vie.

Sachez que je suis comme une voiture: la carrosserie est encore pas pire mais je suis malheureusement né avec un moteur de Lada, des antécédents familiaux et génétiques: maladies cardiaques, hypercholestérolémie, tendance à faire de l’hypertension.

Au décès de mon père à l’âge de 55 ans (son père à 56), j’ai modifié mon régime de vie. J’ai commencé à faire de l’exercice (la natation) et à mieux manger. Je suis aujourd’hui quasi-végétarien, cuisinant presque tout moi-même et ne consommant pratiquement pas de produits transformés. Cela dit, je mange encore du poisson, parfois de la volaille et ne peux pas vivre sans fromage. Au fil des ans, je me suis aussi mis au vélo et surtout, à la course à pied. Physiquement, je suis au sommet de ma forme et je ne me suis jamais aussi bien senti. Malgré tout, la seule façon de stabiliser mon taux élevé de cholestérol sanguin fut par les médicaments. Et ça a fonctionné pendant plusieurs années.

Pourquoi le jeûne alors?

D’abord, je suis mince. Je ne le fais donc pas pour perdre du poids. Malgré tout, j’ai dû doubler l’an passé ma dose de statines, passant de 10mg à 20mg, parce que mon cholestérol sanguin a dépassé de nouveau les limites permises.

J’avais entendu parler du jeûne intermittent mais j’ai toujours pensé que ça n’était pas pour moi. J’aime beaucoup trop manger et je ne me voyais pas complètement arrêter de me nourrir. Et c’est là que j'ai rencontré Martin Juneau. Pas le cuisinier avec des tatouages mais le cardiologue, également directeur de la prévention à l’Institut de Cardiologie de Montréal.

Il était venu parler d’obésité, de jeûne intermittent et de diète cétogène aux Éclaireurs. J’ai eu ;a chance d'échanger avec lui après l’émission pour me rendre compte qu’il jeûnait lui-même de façon intermittente à raison de deux fois par semaine.

Il m’a parlé de Jason Fung, un médecin canadien, qui s’est justement spécialisé sur le jeûne intermittent. Son livre Le guide complet du jeûne est la référence dans le domaine. Il a été écrit par un médecin en plus de s’appuyer sur des données scientifiques et de la recherche sur des centaines de patients.

Le Dr Fung l’a écrit pour s’attaquer aux problèmes grandissants d’obésité et du diabète de type 2, la forme la plus fréquente de diabète (90%), qui n’est pas génétique. Mais selon ses recherches, le jeûne ferait aussi baisser le cholestérol sanguin.

En m'en parlant, le Dr Juneau a créé une ouverture. Mais ce qui m’a vraiment convaincu, c'est lorsqu'il m’a dit « tu peux même boire ton verre de vin le soir-même. » J'étais conquis.

Qu’est-ce qui se passe dans le corps durant le jeûne?

Comme je le disais plus haut, je ne suis pas médecin ni spécialiste. Mais voici de façon très vulgarisée ce que le guide nous apprend. Notre corps, notre cerveau se nourrit de sucre, le glucose. C’est notre carburant. Durant le jeûne, lorsque le sucre accumulé est épuisé, notre corps se met en mode panique et utilise nos lipides comme carburant. Le gras est brûlé, l'insuline chute, le corps s'adapte. En gros, on triche le corps en lui faisant croire qu’il n’a plus de glucose et qu’il doit changer son gras en sucre.

C'est quoi le jeune intermittent?

Ce n’est pas une grève de la faim et il y a plusieurs types de jeûne. On peut jeûner pendant une semaine si on veut mais ce n’est pas nécessaire. Pour contrer l'obésité, on conseille de jeûner 4 fois par semaine. Dans mon cas, je suis le candidat idéal pour un jeûne bi-hebdomadaire.

Evidemment, les résultats seront plus rapides si on jeûne 4 fois par semaine ou si notre jeûne est plus intense. Mais même à 2 fois par semaine, les différences se font sentir rapidement. Je ne me pèse pas mais j’ai sûrement perdu 2 ou 3 kilos depuis la mi-novembre.

Un jeûne est considéré intermittent quand on ne mange pas pour une période de 12, 16 ou 20 heures. Je le fais pendant 20 h. Il est possible de jeûner plus longtemps mais vaut mieux alors être suivi par un médecin. Il est possible de faire des jeûnes de 24, 36 ou 42 heures, des journées alternées (une journée de jeûne, une journée normale) et aussi ce qu’on appelle la diète 5:2 soit 5 jours d’alimentation normale et 2 jours consécutifs d’alimentation à très faible teneur en calories (moins de 500).

Pour 20 heures de jeûne, je dois manger dans une fenêtre de 4 heures. Je le fais donc entre 16h et 20h. À 16h pile, j’en profite souvent pour grignoter des craquelins ou des trucs du genre, ce qui me permet de tenir facilement jusqu’à l’heure du souper, qui peut parfois être tard. Quand on y pense, je m’abstiens dans le fond de manger du matin en fin d’après-midi. Un repas par jour, ça se fait bien et c’est pas si pire.

Seulement de l'eau?

Idéalement, pour profiter de tous les avantages du jeûne (comme l’autophagie), je devrais m’en tenir à l’eau uniquement. Et ça viendra sûrement à un moment donné. Mais pour l’instant, pour maintenir le cap, on me donne le droit de boire plein de choses. Du café et du thé mais surtout le thé vert, un anti-oxydant. Tout ça sans sucre, sans succédané et sans lait. Mais j’ai aussi le droit de boire du bouillon (celui que l’on fait soi-même, pas celui du commerce). Pour le café, il devrait être idéalement noir. Mais le régime permet l’ajout de 1 à 2 c. à soupe de crème. Il semble que ça a peu d’influence sur les résultats et que si c’est ce que ça prend pour ne pas abandonner, ça vaut la peine de faire exception. C’est ce que je fais pour l’instant.

Évidemment, ce n’est pas parce qu’on jeûne qu’on peut manger n’importe quoi. On ne se garochera pas sur une poutine ou un morceau de gâteau au chocolat en fin d’après-midi. Martin Juneau conseille de combiner le jeûne au régime méditerranéen : beaucoup de légumes, des fruits, des grains entiers et surtout, des légumineuses. Mais comme je le disais au début, t’as le droit au fromage et au verre de vin. La vie est tu pas belle?

Ce qui est est facile et difficile?

J’aime vraiment à quel point le régime est flexible. Idéalement, il faut une certaine stabilité (j’essaie de jeûner le lundi et le vendredi). Mais si c'est impossible pour une quelconque raison, ce n’est pas si grave. On reporte le jeûne au lendemain ou on saute cette journée-là, tout simplement. Personne ne va vous taper sur les doigts.

Côté difficultés, il faut savoir que commencer à jeûner c’est comme arrêter de fumer. On y pense en se levant mais dès qu'on fait autre chose, on oublie la faim. À chaque fois qu'elle tenaille, on boit un verre d’eau, on se fait un thé ou un café et 5 minutes après, pouf, on n’y pense plus.

Ce qui me manque le plus par contre, ce sont mes 2 cafés au lait du matin. J'ai essayé au début de le boire noir. Peine perdue, je trouve ça trop amer. Maintenant que je me suis permis d’ajouter une cuillerée à soupe de crème, c’est beaucoup plus facile.

Qu'en est-il des sportifs?

C’était ma crainte première. Parce que je cours beaucoup. Certaines semaines, je peux courir 80 km. Et je craignais être moins performant. Au tout début, c’était le cas. J’avais un peu moins d’énergie et j’ai peut-être vu une légère perte de performance. Mais ce n’est plus le cas maintenant.

Si je me rappelle bien, Martin Juneau m'a spécifié que le corps humain a en réserve 22 000 calories. Ce n’est donc pas un petit 10 km qui fera une différence. Certains disent même que leur performance s’est grandement améliorée. Pour l'instant, je n'ai pas eu de difficultés à faire d'intervalles ou des longues sorties de 20 km. On s'entend par contre que jamais je n'oserais faire une vraie course à jeun, fut-elle un marathon complet ou un demi-marathon, la réserve et la dépense d'énergie étant beaucoup trop importantes.